Nguyen, Thi Tuyet Nhung (2014). The Naja Kaouthia snake venom contains a potent insulinotropic and characterization : isolation, identification and characterization. Thèse. Québec, Université du Québec, Institut National de la Recherche Scientifique, Doctorat en biologie, 125 p.
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Résumé
La prévalence du diabète s'accroît à un rythme alarmant. En 2015, cette maladie affectera plus de 350 millions de personnes à l'échelle mondiale et touchera approximativement 550 millions d'individus en 2030. Le diabète de type 2 (DT2) est la forme la plus répandue, représentant de 90% à 95% des cas de diabète dans le monde entier. Le DT2 est un désordre qui touche le système endocrinien et le métabolisme, et qui conduit à l'incapacité de maintenir une glycémie normale. Afin de traiter cette maladie progressive, les traitements doivent être modifiés en fonction de ces divers stades. Plusieurs médicaments sont actuellement utilisés pour maintenir une glycémie normale et leur diversité a élargi les options pour traiter le DT2. Cependant, malgré leur puissance et leur spécificité, ils présentent encore des carences et des effets secondaires tels que des épisodes d'hypoglycémie, une prise de poids, certains problèmes cardiovasculaires, des troubles gastro-intestinaux et un oedème périphérique. En outre, la plupart des améliorations initiales de la glycémie produites par la prise de médicaments ne sont pas maintenues en raison de la dégradation de la fonction des cellules p du pancréas. Par conséquent, de nouveaux agents doivent être créés afin de contrôler efficacement la glycémie, de prévenir le déclin de la fonction des cellules p, de favoriser la perte de poids, d'améliorer l'action de l'insuline et de produire un effet favorable sur les maladies cardiovasculaires qui pourraient être en développement. Il a été observé depuis longtemps que les venins, qui sont des mélanges complexes de protéines, peptides, enzymes et autres agents aux propriétés biologiques diverses, représentent une source immense et variée de molécules. Ces dernières peuvent notamment offrir des options nouvelles de traitements grâce à leur puissance et efficacité unique. Les venins sont le fruit d'une sélection naturelle associée à des millions d'années d'évolution. Les substances qui les composent servent par exemple pour la capture des proies et la digestion et/ou la défense contre les prédateurs. En particulier, les peptides présents dans les venins sont reconnus pour leur grande variété de cibles systémiques. Ceci les identifie comme des ligands aux propriétés inestimables pour étudier les mécanismes physiologiques et/ou pharmacologiques dans différents paradigmes expérimentaux liés à des maladies telles que le cancer, l'inflammation, les maladies neurodégénératives, les atteintes neuromusculaires, les troubles hématologiques, les infections autoimmunes et les problèmes cardiovasculaires. À ce propos, un exemple frappant est celui de xii l'exendine 4, un peptide extrait du venin du monstre de Gila, qui possède une activité insulinotropc marquée. Ainsi, une étude pharmacologique exhaustive a permis de l'cxcnatidc, une forme synthétique du peptide qui est maintenant utilisée pour traiter le diabète. Cette découverte image bien les nouvelles perspectives qu'offrent les composants extraits de venins, et tout particulièrement pour le traitement de pathologies telles que le diabète. En eflet, il a été montré que les toxines suivantes, soit Agelaia MP-1, conkunitzinc-S 1 ct a-latrotoxine, sont capables de déclencher l'exocytose de l'insuline. De plus, de façon plus générale, l'étude des mélanges complexes de polypeptides et de protéines de venins a donné lieu à la découverte de molécules biologiques clés comme le BPP (bradykinin-potentiating peptide), le NGF (nerve growth factor), la dendrotoxine, le CVF (cobra venom factor) et la convulxine. Ces composés ont contribué à faciliter la compréhension de systèmes physiologiques et ont été utilisés comme gabarit pour concevoir de nouveaux dérivés affichant des fonctions pharmacologiques précises. Le monstre de Gila, duquel a été isolé l'exentide 4, est un lézard qui ne mange qu'environ quatre fois par an. Il évite l'hypoglycémie en stoppant sa production d'insuline. Lorsque vient le moment de manger, il tue une proie avec son venin. L'ingestion de celle-ci entraîne aussi l'absoption de son propre venin et conséquemment de l'exendine 4, ce qui réactive sa production d'insuline. De façon similaire, plusieurs espèces de serpents ont la capacité de réduire considérablement leur métabolisme et de survivre sans nourriture pour des périodes pouvant aller jusqu'à deux ans. Cette observation suggère qu'un ou des facteurs équivalents à l'exendine 4 se retrouveraient aussi dans le venin de serpents, d'autant plus que ces animaux sont phylogénétiquement reliés au monstre de Gila. Par conséquent, en collaboration avec un partenaire vietnamien qui étudie les propriétés du venin du cobra à monocle Naja kaouthia, nous avons initié dans notre labomtoire un projet visant à identifier un peptide présentant des caractéristiques pharmacologiques similaires à celles de l'exendine 4. Ultimement, cette molécule ou un dérivé pourrait s'ajouter à l'arsenal développé pour le traitement du diabète. Nos travaux ont conduit à l'développer de peptide insulinotrope, dont NTTN-16, à partir du venin de Naja kaouthia du Vietnam. Ce composé s'est montré capable d'induire la sécrétion d'insuline par les cellules IN S-IE sans affecter leur viabilité. Sa caractérisation a montré que sa séquence est identique à celle d'un autre peptide précédemment isolé à partir de l'espèce Naja kaouthia vivant à Taiwan, soit la cardiotoxine 1 (CTX-1), qui compte 60 acides aminés et forme xiii une structure compacte maintenue par 4 ponts disulfures. Malgré la complexité de la molécule, sa synthèse a été réalisée avec succès comme montré entre autres par l'activité insulinotrope concentration-dépendante de la forme synthétique sur des cellules INS-1 E et ce, et il est important de le signaler, tant en absence qu'en présence de glucose. De plus, cette toxine ne provoque pas la lyse des globules rouges humains. Notre étude a aussi montré que la sécrétion d'insuline par la CTX-1 est dépendante du calcium. Également, nous avons démontré que les mécanismes insulinotropes associés aux canaux potassiques sensibles à l' ATP (KATr) ou au récepteur du GLP-1 ne sont pas impliqués dans l'action de la CTX-1. En effet, l'inhibition du flux potassique suite à la fermeture du canal KAw par une absence de glucose extracellulaire n'a pas modifié la sécrétion d'insuline. De même, des tests de liaison de la CTX-1 au récepteur du GLP-1 se sont avérés négatifs. Dans les cellules f3, l'inhibition des courants K+ accroît la durée du potentiel d'action. Ceci maintient la membrane plasmique dans un état dépolarisé et provoque l'afflux du Ca2+ par l'ouverture des canaux calciques, un phénomène qui améliore la sécrétion d'insuline dépendante du glucose. Ainsi, indirectement, au cours de nos travaux, le rôle de canaux K+ autres que KATP a aussi été étudié. En effet, dans les cellules p, nous retrouvons également des canaux appelés BK (canal K+ à conductance élevée, activé par le Ca2+) qui, même s'ils ne jouent pas un rôle déterminant dans l'exocytose de l'insuline, participent au contrôle de l'amplitude du potentiel d'action. Il a été montré que ces canaux modulent la mobilisation du calcium dans diverses actions biologiques dont notamment lors de la contraction d'un tissu vasculaire tel que l'aorte. Nous avons montré au moyen d'un bioessai que la CTX-1 est incapable d'induire la contraction d'anneaux d'aorte de rat, ce qui suggère que cette toxine ne serait pas en mesure d'interagir avec ce type de canal. Néanmoins, la littérature indique que les effets exercés sur le coeur par les CTXs sont causés par une modulation de canaux ioniques et tout spécialement par une amplification de l'interaction entre la calséniline (protéine KChiPl) et le canal potassique sensible au voltage (Kv). Par conséquent, l'effet insulinotrope de la CTX-1 pourrait vraisemblablement se produire par l'entremise de ces canaux. Dans les faits, nous observons que la CTX-1 possède des homologies structurelles avec des toxines à canaux potassiques. Par exemple, les boucles II et III de la CTX-1 sont similaires à celles de nombreuses toxines à canaux potassiques. De plus, la superposition de certains résidus jouant un rôle fonctionnel majeur tels xiv que la Lys23 , la Lys50 et l' Asn55 de la CTX-1 avec la Lyi7 , l' Arg25 et l' Asn30 de toxines à canaux potassiques suggère que la CTX-1 pourrait agir comme un bloqueur de canal Kv via un mécanisme similaire. La CTX-1 déclenche la libération du calcium dans différentes lignées cellulaires, y compris les cellules INS-1 E, HEK293, HeLa et CHO. L'effet maximal est observé avec les cellules INS-1 E, tandis que la libération la plus faible est mesurée avec les cellules CHO. En outre, même à 10·6 M, la CTX-1 n'a pas causé l'hémolyse d'érythrocytes humains, lesquels se sont révélés être les plus sensibles parmi les globules rouges de mammifères. La CTX-1 a également montré le même effet sur la lignée cellulaire myogène murine C2Cl2. En fait, avec les cellules C2C 12, aucune augmentation significative du nombre de cellules apoptotiques en phase précoce n'a été observée. Cependant, en phase retardée, le pourcentage de cellules apoptotiques s'est avéré légèrement augmenté. Comme décrit précédemment, la CTX-1 présente au niveau de ses boucles II et III, des homologies de structure avec celle des inhibiteurs des canaux Kv. Ces boucles comptent généralement de 25 à 40 acides aminés. Cependant, les activités biologiques de la CTX-1 sont réparties non pas sur deux mais essentiellement sur trois boucles. Ainsi, les boucles 1 et II sont connues pour leur capacité à endommager les cellules tandis que la boucle III est identifiée comme celle responsable de la dépolarisation des cellules musculaires et de la mobilisation du calcium qui y est associée. Par ailleurs, notre étude a montré que l'activité calcique de la CTX-1 est l'amorce nécessaire pour le déclenchement de la libération d'insuline par les cellules INSIE. Nous avons donc exploré plus à fond les propriétés biologiques de ces boucles au moyen de dérivés synthétiques tronqués de la CTX-1 produits dans notre laboratoire en appliquant une stratégie de protection orthogonale des cystéines, afin d'obtenir les ponts disulfures dans la configuration présente dans la toxine native. Ainsi, à 10'6 M, le fragment CTX-11.39 a causé la mort d'environ 50% des cellules INS-IE, tandis que le fragment CTX-.41•60, à cette même concentration, n'a pas affecté leur viabilité. Le fragment toxique 1-39 n'a donc pas été étudié davantage. Toutefois, nous avons évalué les propriétés du fragment CTX-.41-60 dans quelques paradigmes et avons observé que ce peptide parvient à stimuler la mobilisation calcique d'une manière concentration-dépendante et entraîne la libération de l'insuline sans l'intervention d'un xv canaJ KArr. Ces effets sont en nature et intensité très similaires à ceux de la molécule complète, bien que cc fragment n'améliore pas la sécrétion d'insuline, en absence de glucose. Des analyses structurales de la CTX-1 ont dévoilé que la valine à la position 52 est considérablement exposée et accessible. De même, l'évaluation des homologies de séquences présentes au niveau d'antagonistes des canaux Kv, a montré qu'une lysine est fréquemment localisée dans la partie responsable de l'action inhibitrice sur les canaux. Par conséquent, nous avons émis l'hypothèse que la substitution de Val52 par une lysine pouvait reproduire un élément structural clé des antagonistes des canaux Kv. Nous avons alors synthétisé l'analogue tronqué [Lys52]CTX-41.60 et mesuré ses effets. Tout comme le fragment non substitué, ce dérivé n'a pas d'effet cytotoxique sur les cellules INS-lE. Par contre, il stimule la libération de l'insuline aussi bien en absence qu'en présence de glucose. Cette activité insulinotrope est liée au [Ca2+]i et n'est pas médiée par l'activation du canal KATP ou du récepteur du GLP-1. À 10 f.1M, la [Lys52]CTXI41.60 a diminué de 25% l'influence des courants de canaux de type K+. Ces canaux sont membres d'une famille contenant de nombreux sous-types et l'analogue est peut-être un bloqueur sélectif de l'un de ces sous-types dans les cellules INS-1 E. Par ailleurs, nous avons observé que le traitement avec [Lys52]CTX-41•60 de cellules CHO transfectées avec le récepteur UT (CHO-UT) réduit/empêche l'hypertrophie induite par l'urotensine Il, un effet qui pourrait être associé à des sous-types de canaux Kv. On doit aussi souligner la similitude des résidus importants, tels que la Lys52 , l' Asn45 et l' Arg58 présents dans le dérivé [Lys52]CTX-41•60, ce qui lui confere des caractéristiques structurales similaires à celles des antagonistes des canaux de sous-type Kvu, i.e. l) une lysine hautement conservée se trouvant au centre de la toxine 2) une asparagine ou un résidu polaire se trouvant à une extrémité et 3) une arginine ou un résidu chargé positivement à l'autre extrémité. Donc, globalement, il semble plausible que le dérivé tronqué de la CTX-I, développé dans notre laboratoire, soit un ligand du canaJ potassique sensible au voltage, et plus précisément du canal du type Kvl.3· En conclusion, le criblage de substances biologiques est extrêmement prometteur pour trouver de nouveaux composés thérapeutiques. En combinant cette approche à des études de relation structure-activité de molécules-mères, il est possible de favoriser le développement de composés puissants et sélectifs. Dans ce contexte, à partir de la CTX-1, un peptide de 60 acides aminés isolé du venin d'une espèce de cobra vivant au Vietnam, nous avons conçu un analogue xvi tronqué, la [Lys52]CTX-14 1•60, qui possède la capacité de libérer l' insuline et ce, en présence ou non de glucose. De plus, certaines caractéristiques structurales et pharmacologiques suggèrent que ce dérivé serait un antagoniste des canaux Kv et plus spécifiquement des canaux du type Kvu- Si cette hypothèse s'avère exacte, en bloquant les Kvu, cet antagoniste stimulerait aussi la translocation de GLUT4 qui transporte le glucose à l' intérieur des cellules, ce qui réduirait davantage la résistance à l'insuline. Finalement, la [Lys52]CTX-141 •60 a également empêché l'hypertrophie cellulaire. Cette caractéristique remarquable s'~joute aux propriétés déjà décrites et contribuerait à limiter les complications cardiovasculaires qui accompagnent souvent le DT2. Nos résultats ont été obtenus à partir de modèles cellulaires. Afin de déterminer pleinement le potentiel de cette molécule, il sera indispensable d'évaluer son activité in vivo.
Type de document: | Thèse Thèse |
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Directeur de mémoire/thèse: | Fournier, Alain |
Mots-clés libres: | serpent ; venin ; cobra ; insulinotrope ; diabete ; cardiotoxine I ; CTX-I |
Centre: | Centre INRS-Institut Armand Frappier |
Date de dépôt: | 16 mars 2016 20:58 |
Dernière modification: | 16 mars 2016 20:58 |
URI: | https://espace.inrs.ca/id/eprint/3357 |
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