Isabelle, Pierre-Erik (2014). Simplification de l’estimation des taux d’évapotranspiration sur les tourbières boréales par la quasi-neutralité de l’atmosphère. Mémoire. Québec, Université du Québec, Institut national de la recherche scientifique, Maîtrise en sciences de l'eau, 202 p.
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Résumé
Les tourbières occupent entre 10% et 20% du territoire boréal mondial, pour une superficie de
près de 3 millions de km². Toutefois, elles sont aussi typiquement éloignées et isolées, ce qui
limite le nombre et la précision de données mesurées in situ, particulièrement pour
l’évapotranspiration (ET). Or, ce terme du bilan hydrologique est crucial dans ce type
d’environnement, où l’ET estivale peut représenter jusqu’à 95% des précipitations. Les travaux
de ce mémoire de maîtrise ont pour but de combler ce manque de données en proposant une
nouvelle approche pour estimer l’ET des tourbières avec un minimum de variables
météorologiques.
L’étude utilise des séries temporelles recueillies par la méthode de la covariance des tourbillons
sur trois tourbières canadiennes. La tourbière Nécopastic, située dans les basses terres de la Baie
James, au nord du Québec, est le site d’étude principal avec un jeu de données originales,
comportant des mesures pour l’été 2012. Les deux autres jeux de données proviennent du réseau
Fluxnet, et les analyses ont été faites sur les étés seulement. La deuxième tourbière, Mer Bleue,
localisée à environ 10 km à l’est d’Ottawa, en Ontario, est le site de données couvrant les étés
1999 à 2003. Finalement, le site Western Peatland est situé à environ 80 km au nord-est
d’Athabasca, en Alberta, et les données analysées couvrent les étés 2003 à 2009.
Le rayonnement solaire est le moteur le plus important derrière l’ET, la source d’énergie
principale permettant la vaporisation de l’eau. À ce titre, la corrélation est très forte (R² ≈ 0.8)
entre l’ET et le rayonnement net, et ce pour tous les sites de mesure et toutes les années
analysées. L’ET est pratiquement nulle lors des épisodes de précipitation, mais l’humidification
de la surface tourbeuse renforce par la suite le processus évaporatif. Finalement, le mouvement
de la nappe phréatique ne semble pas corrélé avec l’ET, si ce n’est qu’une augmentation
importante de sa profondeur peut causer une diminution de l’ET cumulative estivale. Des trois
sites, Mer Bleue est celui ayant la plus forte ET estivale, probablement en raison du plus fort
rayonnement solaire y étant présent. Les deux autres sites subissent un rayonnement similaire,
mais la plus grande humidité du site Nécopastic l’avantage au niveau de l’ET.
Les données observées d’ET sont comparées à des données générées par plusieurs modèles
connus d’estimation de l’ET (Hydro-Québec, Thornthwaite, Linacre, Hargreaves-Samani,
Penman, Priestley-Taylor, Penman-Monteith). Les quatre premiers modèles sont fortement
empiriques et ne parviennent pas à expliquer une grande proportion de la variance des données
observées. Les trois derniers modèles sont tous basés sur le bilan d’énergie et offrent
d’excellentes performances sur chacun des sites d’étude. La meilleure performance de l’équation
de Penman par rapport à celle de Priestley-Taylor démontre que le calcul du pouvoir évaporant
de l’air apporte une précision significative pour expliquer la variance de l’ET. Néanmoins, ces
trois formulations s’avèrent très exigeantes en données d’entrée dans le contexte des tourbières
boréales, où des données de rayonnement net depuis le sol sont rarement disponibles.
Les trois sites à l’étude ont toutefois en commun une forte récurrence de conditions
atmosphériques quasi neutres, causées par une turbulence mécanique accrue et de très faibles
effets de flottabilité thermique. Cette dernière est diminuée par le stockage de chaleur dans le
médium tourbe/eau et par la priorisation du flux de chaleur latente aux dépens du flux de chaleur
sensible, qui est aussi diminué par une couverture nuageuse et du brouillard fréquent.
Ces conditions particulières simplifient les équations pour les profils de vitesse du vent et de
vapeur d’eau dérivées de la théorie de similarité de Monin-Obukhov. Ceci a conduit à
l’utilisation de l’approche des transferts massiques décrite par Brutsaert (2005) et typiquement
utilisée sur des étendues d’eau. Ce modèle donne des résultats prometteurs en termes d’erreur
moyenne et de corrélation, mais devient dépendant de la proportion du temps passé sous
conditions atmosphériques quasi neutres. Le modèle semble surestimer l’ET lors des périodes
quasi neutres et la sous-estimer en périodes instables, ce qui semble être un contrebalancement
dû au processus d’optimisation.
Le modèle est sujet à deux sources d’erreurs principales : une due à la stabilité atmosphérique et
une autre due à la non-saturation de la surface. La première semble négligeable étant donnée la
forte récurrence de périodes quasi neutres sur les trois sites d’étude. La deuxième peut avoir un
effet important, particulièrement lors des épisodes de très fortes ET où le rayonnement solaire est
maximal, et la surface de la tourbe manifestement sèche de par l’absence de pluie depuis
plusieurs jours. Dans tous les cas, la hauteur de la nappe phréatique semble jouer un rôle sur
l’efficacité du modèle en augmentant le stockage de chaleur dans la tourbe et donc le nombre de
périodes quasi neutres et en augmentant le contenu en eau de la tourbe de surface par capillarité.
Peatlands account for 10% to 20% of the circumpolar boreal biome, with a total surface close to
3 million km². Despite their widespread occurrence, they are typically found in remote areas,
making their study difficult and costly, therefore limiting the number and accuracy of in-situ
measurements, especially for evapotranspiration (ET). However, this water balance term is
crucial in this type of environment, where summer ET can account for up to 95% of
precipitation. The work of this master’s thesis aims to overcome this lack of data by proposing a
new approach to estimate peatland ET with a minimum of meteorological variables.
The study uses temporal series collected with the eddy covariance method on three Canadian
peatlands. The Necopastic bog, which is located in the James Bay lowlands in northern Quebec,
is the main study site with a set of original data, including measurements for summer 2012. The
other two datasets were acquired from the Fluxnet database, and the analyses are performed on
summers only. The Mer Bleue bog is located approximately 10 km east of Ottawa, Ontario, and
data cover the summers of 1999 to 2003. The Western Peatland site is a forested fen located
about 80 km northeast of Athabasca, Alberta, and data cover the summers 2003 to 2009.
Solar radiation governs substantially ET, being the main energy source for water vaporisation.
Therefore, strong correlation (R² ≈ 0.8) is observed between observed ET and net radiation for
every field site and every year analysed. ET is negligible during precipitation events, although
the humidification of the peat surface reinforces evaporative rates afterwards. The position of
the water table does not appear to be correlated with ET, but a significant increase of its depth
can decrease cumulative summer ET. Of the three sites, Mer Bleue has the largest summer ET,
which is probably caused by stronger solar radiation. The two other sites are under relatively
similar net radiation conditions, but the higher surface humidity in Necopastic appears to
increase ET.
The observed ET data obtained with the eddy covariance method are compared with values
generated by several well-known models for ET estimation (Hydro-Québec, Thornthwaite,
Linacre, Hargreaves-Samani, Penman, Priestley-Taylor and Penman-Monteith). The first four
models have strong empirical basis and do not explain a large proportion of the variance of
observed data. The last three models are based on an energy budget and give excellent results for each field sites. Penman’s best performance over the Priestley-Taylor equation shows the
importance of including the drying power of the air to explain the variance of observed ET.
However, these formulations end up being too costly in terms of data requirements in the context
of boreal peatlands, where upward net radiation measurements are seldom available.
The three study sites have in common a strong recurrence of near-neutral atmospheric conditions
caused by an increased mechanical mixing and very low thermal buoyancy effects. The latter is
decreased by heat storage in the peat/water medium and by the prioritization of latent heat flux at
the expense of sensible heat flux, which is also diminished by frequent fog and cloud cover
conditions.
These singular characteristics simplify the equations for the profiles of wind speed and water
vapor derived from the Monin-Obukhov similarity theory. All these findings lead to the
development of a model called Neutral Profile, which is the equivalent of the “bulk-transfer”
approach described by Brutsaert (2005) and typically used over open-water areas. The model
gives promising results in terms of mean error and correlation, but the accuracy is, however, in
all likelihood proportional to the number of near-neutral periods. An overestimation of ET is
visible during near-neutral periods while an underestimation is detected under unstable
conditions, which appears to be a counterbalancing effect induced by the optimization process.
There are two main sources of error associated with the model: one due to atmospheric stability
conditions and another due to non-saturation conditions of the peat surface. The former appears
negligible, given the frequent occurrence of near-neutral stability over the three field sites. The
latter can, however, have important effects, particularly when observed ET is at its strongest and
net radiation is maximized while the peat surface is inevitably dried out by the lack of rain in
previous days. In any case, the depth of the water table (with respect to the soil surface) appears
to play a significant role on model accuracy by increasing heat storage in the peat, and, therefore,
the proportion of near-neutral periods, and by increasing the peat water content by capillarity.
Nevertheless, the simplicity of the model and the foreseeable low cost of an associated weather
station make it a valuable tool to estimate ET over boreal peatlands.
Type de document: | Thèse Mémoire |
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Directeur de mémoire/thèse: | Rousseau, Alain N. |
Co-directeurs de mémoire/thèse: | Nadeau, Daniel F. |
Mots-clés libres: | évapotranspiration; tourbière boréale; stabilité atmosphérique; mesure; estimation; Baie James |
Centre: | Centre Eau Terre Environnement |
Date de dépôt: | 09 févr. 2015 22:09 |
Dernière modification: | 26 nov. 2021 18:34 |
URI: | https://espace.inrs.ca/id/eprint/2587 |
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