Raynauld, Mélanie; Huchet, François; Ballard, Jean-Marc; Colléau, Élise; Delisle, Renaud; Mayrand, Jimmy; Mathis, Raphaël; Caron, Olivier; Vigneault, Harold; Lavoie, Roxane; Grenier, Julie; Vergnaud-Ayraud, Virginie et Lefebvre, René ORCID: https://orcid.org/0000-0002-7938-9930
(2024).
Projet d'acquisition de connaissances sur les eaux souterraines en Estrie (PACES Estrie)- Portrait des ressources en eau souterraine en Estrie, Québec, Canada
Rapport de recherche
(R2091).
INRS Centre Eau Terre Environnement, Québec.
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Résumé
Ce projet s’inscrit dans le cadre des Projets d'acquisition de connaissances sur les eaux souterraines (PACES) du Québec qui sont sous la responsabilité du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) du Québec. Ces projets visent à faire un portrait de la ressource en eau souterraine du Québec municipalisé, dans le but ultime de la protéger et d’en assurer la pérennité. Entre 2009 et 2015, treize (13) territoires ont été couverts par les différentes universités responsables de projets régionaux. La dernière phase de projets, réalisée entre avril 2018 et mars 2022 a permis de pratiquement finaliser la couverture des régions du Québec municipalisé. Pour cette 4e phase, l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) était responsable de la réalisation du PACES Estrie. Le PACES Estrie a été principalement soutenu financièrement par le MELCCFP ainsi que par des contributions monétaires et en nature de la part des partenaires régionaux du projet, soient la ville de Sherbrooke et les cinq (5) municipalités régionales de comté (MRC) comprises dans la région d’étude : Coaticook, Le Granit, Le Haut-Saint-François, Le Val-Saint-François et Memphrémagog. La région d’étude couvre en partie les territoires de deux (2) organismes de bassin versant (OBV) qui sont aussi partenaires de la réalisation du projet, soient le Conseil de gouvernance de l’eau des bassins versants de la rivière Saint-François (COGESAF) et le Comité de bassin de la rivière Chaudière (COBARIC). Le PACES Estrie a pour objectif général de faire le portrait des ressources régionales en eau souterraine. Le projet a aussi des objectifs spécifiques : 1) accompagner les municipalités de l’Estrie pour la protection de leurs prélèvements d’eau potable, 2) aborder des problématiques régionales d’intérêt particulier pour l’Estrie, notamment le potentiel des aquifères granulaires et la présence d’arsenic et de manganèse affectant la potabilité de l’eau, et 3) assurer le transfert des connaissances aux partenaires régionaux pendant la réalisation du projet. Les limites de la région d’étude ont été définies de façon à assurer une couverture complète à la fois des MRC de l’Estrie impliquées dans le projet et de la partie amont du bassin versant de la rivière Saint-François qui n’avait pas été couverte par un PACES antérieur. Cette région d’étude représente une superficie de 10 691 km2 dont 9 012 km2 (84%) n’ont auparavant jamais été couverts par un ancien PACES limitrophe (Montérégie Est, Chaudière-Appalaches et NicoletBas-Saint-François). Selon les données de 2020, la population totale dans les 97 municipalités recoupées au moins en partie par la région d’étude est de près de 330 000 habitants. Le PACES Estrie a été réalisé en trois phases. La Phase I s’est déroulée d’avril 2018 à septembre 2019 et a impliqué la collecte des données existantes (forages, cartes, rapports, etc.) et l’identification des préoccupations régionales relatives à l’eau souterraine. La Phase II a chevauché un peu la Phase I en débutant au printemps 2019 pour être complétée en juin 2020. Cette 2e phase a porté sur la réalisation de travaux de caractérisation sur le terrain, notamment l’installation de 10 puits d’observation du Réseau de suivi des eaux souterraines du Québec (RSESQ) géré par le MELCCFP, l’échantillonnage de l’eau de 180 puits, et la réalisation d’une enquête de terrain sur les problématiques locales d’approvisionnement en eau auprès de 23 municipalités. Ces travaux ont été complétés par la saisie de données hydrogéologiques à partir de 210 rapports obtenus des municipalités de la région d’étude. De même, un sondage en ligne sur la consommation en eau et les réseaux de distribution a également apporté des informations complémentaires pour 74 des 97 municipalités du territoire. Enfin, la Phase III a couvert la période de juin 2020 à mars 2022 et a impliqué l’analyse et l’interprétation des données disponibles et la production des livrables cartographiques du projet. La région d’étude est complètement comprise dans la région montagneuse des Appalaches. La topographie de la région d’étude est marquée par trois grandes vallées à des élévations généralement inférieures à 400 m. Ces vallées sont bordées par des hautes-terres qui peuvent atteindre près de 1 200 m d’élévation, particulièrement dans le secteur sud-est. Ainsi, le réseau hydrographique est bien développé et les principaux cours d’eau sont la rivière Saint-François et la rivière Chaudière. Plusieurs lacs importants se trouvent aussi dans la région d’étude (Memphrémagog, Massawippi, Lovering, Magog, Brompton, Aylmer, Saint-François et Mégantic). La région d’étude couvre la majorité du bassin versant de la rivière Saint-François, sauf le BasSaint-François, ainsi que la partie amont du bassin versant de la rivière Chaudière. La principale utilisation du territoire est forestière (78,6%), toutefois, l’agriculture qui occupe 17,4% du territoire est très importante dans les MRC de Coaticook et du Val-Saint-François. Les secteurs urbanisés sont relativement restreints (4,0%), mais ils dominent la ville de Sherbrooke et l’axe entre Magog et East Angus passant par Sherbrooke. On trouve aussi de grandes étendues de milieux humides couvrant près de 1500 km2, soit près de 14% de la région d’étude. Géologiquement, l’Estrie appartient à la partie nord des Appalaches dont trois zones sont présentes dans la région : la zone de Humber (externe et interne), la zone de Dunnage, puis la ceinture de Gaspé où se trouve l’intrusion du Mont-Mégantic. Les unités géologiques de la région d’étude comprennent une grande variété de lithologies : schistes, roches volcaniques, roches ultramafiques, shales et ardoises, et roches granitiques. Le grain des structures géologiques appalachiennes montre de fortes orientations du sud-ouest au nord-est. La géologie du Quaternaire dans la région d’étude est constituée d’une succession de dépôts meubles très variés, comprenant notamment des tills qui sont formés de grains de taille très variée allant de l’argile aux blocs, de dépôts glaciolacustres composés de sédiments fins silteux ou argileux et de sédiments fluvioglaciaires constitués de sables et graviers. En surface, la géologie du Quaternaire est dominée par une couverture de till qui tend à être mince sur les hauts topographiques où le roc peut aussi affleurer. L’unité de Quaternaire ancien qui est à la base de la séquence n’est pratiquement visible que dans les coupes naturelles et elle comprend un assemblage complexe de sous-unités incluant des tills, des sédiments silteux et argileux et des sables et graviers. Le modèle géologique des dépôts meubles de Caron (2013) a été révisé et étendu dans le cadre du PACES Estrie, notamment sur la base d’une révision détaillée de la carte du Quaternaire. Ce modèle représente la distribution spatiale des épaisseurs des unités de dépôts meubles dans la région d’étude. Sur la base de ces unités géologiques, six unités hydrogéologiques (UH) ont été définies pour représenter les aquifères et les aquitards présents dans les dépôts meubles et le roc sous-jacent. L’unité hydrogéologique supérieure (UH1) est constituée de matériaux perméables mais cette unité n’est que localement assez épaisse pour constituer un aquifère. Les sédiments fins silteux et argileux (UH2) représentent un aquitard. Les sédiments fluvioglaciaires constituant notamment les eskers (UH3) ont un potentiel aquifère intéressant mais leur étendue est relativement limitée. Le Till de Lennoxville (UH4) est un autre aquitard qui recouvre pratiquement toute la région d’étude. Le Quaternaire ancien (UH5) à la base de la séquence est une unité plus complexe parce qu’elle contient des sous-unités pouvant constituer des aquitards et des aquifères. Plusieurs puits municipaux exploitent un aquifère dans le Quaternaire ancien. Enfin, le roc fracturé (UH6) est la seule unité constituant un aquifère régional continu. Les conditions de confinement ont été définies pour trois unités aquifères, soient le roc (UH6), le Quaternaire ancien (UH5) et les sédiments fluvioglaciaires (UH3). L’aquifère rocheux régional est généralement en conditions libres, surtout dans les hauts topographiques. Au contraire, le Quaternaire ancien est généralement en conditions semi-captives ou captives. Les conditions dans les sédiments fluvioglaciaires s’avèrent généralement libres. La région d’étude présente ainsi deux contextes hydrogéologiques distincts, soient les vallées et les hautes-terres. Le contexte des vallées est présent dans les secteurs à plus faible élévation où l’épaisseur des sédiments est supérieure à 10 m et où les dépôts meubles ont un bon potentiel aquifère. Le contexte des hautes-terres est présent lorsque l’épaisseur des dépôts est inférieure à 10 m et alors seulement le roc constitue un aquifère. Les vallées peuvent avoir un bon potentiel aquifère dans le Quaternaire ancien exploité par plusieurs puits municipaux, mais il n’y a que l’aquifère rocheux qui est exploitable dans les hautes-terres. La conductivité hydraulique des aquifères granulaires est bonne alors que celle du roc est généralement faible et ne permet que rarement des débits de puits importants. Les aquifères granulaires et le roc sont en conditions captives dans les vallées alors que les conditions libres dominent dans les hautes-terres. La recharge de l’aquifère rocheux se fait dans les hautes-terres et il y a peu de recharge dans les vallées. L’écoulement se fait des hautes-terres vers les vallées où l’eau souterraine émerge. Toutefois, les grands cours d’eau ne sont pas directement reliés à l’aquifère rocheux et l’émergence peut se faire en bordure de vallées plutôt que dans les cours d’eau. Les eaux de type « évolué » géochimiquement sont prévalentes dans les vallées. Ces eaux peuvent avoir des temps de résidence (âges) de plusieurs milliers d’années. Ce sont plutôt les eaux de type « recharge » qui dominent dans les hautes-terres. Ces eaux ont des âges modernes de moins de 60 ans. Les eaux évoluées dans les vallées ont des problématiques de dépassement des normes de potabilité pour le manganèse (Mn) et l’arsenic (As). Les eaux de recharge dans les hautesterres peuvent avoir subi une dégradation anthropique de leur qualité, mais sans qu’il y ait des dépassements de normes de potabilité ou d’objectifs esthétiques. Les dépassements des critères de potabilité (concentrations maximales acceptables CMA) ou esthétiques ont été évalués pour 219 échantillons d’eau souterraine. Ce sont les 26,0% de dépassements de CMA pour le manganèse (Mn) et de 8,2% pour l’arsenic (As) qui représentent les plus importants problèmes de potabilité alors que les dépassements des autres CMA sont relativement peu importants. Les dépassements de critères esthétiques sont surtout reliés au manganèse, au fer ainsi qu’au pH. Les zones de recharge se retrouvent généralement dans les hauts topographiques hors des vallées, particulièrement où le roc est affleurant. Globalement, la recharge de l’aquifère rocheux est de l’ordre de 200 à 300 mm/an sur la base de bilans hydrologiques basés sur les débits de cours d’eau et du modèle d’infiltration HELP. La recharge est toutefois variable, allant de moins de 50 mm/an dans les secteurs captifs jusqu’à plus de 300 mm/an lorsque le roc est en condition libre. Conséquemment, la vulnérabilité DRASTIC est relativement faible dans les principales vallées, mais des niveaux intermédiaires de vulnérabilité dominent toutefois la région d’étude. Des vulnérabilités plus importantes se trouvent dans des secteurs d’étendue restreinte, sauf dans le bassin de la rivière Chaudière où l’indice DRASTIC est élevé hors de la vallée. Sur les 97 municipalités comprises dans la région d’étude, 49 possèdent un réseau de distribution d’eau potable alimenté par de l’eau souterraine, 18 réseaux sont alimentés par de l’eau de surface ou de source mixte, et 30 autres n’ont pas de réseau. Globalement, près de 73% de la population de 327 781 personnes est approvisionnée en eau à partir des réseaux municipaux. Toutefois, cette statistique est fortement biaisée par le fort taux de population desservie par la ville de Sherbrooke, alors que le taux est plus faible pour toutes les MRC. Toutefois, dans toutes les municipalités une grande partie de la population s’alimente en eau par des puits privés installés dans le roc. L’usage total de l’eau dans la région d’étude est de 110,2 Mm3/an, dont 25,2 Mm3/an (22,9%) provient de l’eau souterraine. Les prélèvements d’eau de surface sont dominés par les usages industriels, commercial et institutionnel (ICI) qui ne proviennent pas d’un réseau, alors que les usages résidentiels d’eau de surface proviennent tous d’un réseau, à l’opposé des usages agricoles qui ne sont pas alimentés par un réseau. L’approvisionnement hors réseau (privé) représente la majorité des prélèvements d’eau souterraine. Au total, l’usage résidentiel utilise plus de 48% des ressources en eau souterraine et l’usage agricole suit avec 29%. De nombreux travaux spécifiques au PACES Estrie ont été réalisés afin de soutenir une gestion durable des ressources en eau souterraine. D’abord, des travaux ont été effectués pour aider à comprendre et à résoudre les questions scientifiques reliées aux ressources en eau souterraine dans la région d’étude. Ainsi, des travaux ont été faits afin de mieux définir le potentiel aquifère dans les vallées enfouies de l’Estrie. Ces travaux étaient d’autant plus nécessaires que l’aquifère rocheux ne permet généralement pas d’installer des puits à grand débit. Ces travaux, ainsi que plusieurs autres travaux du projet, ont grandement profité du développement d’un modèle géologique détaillé de la distribution spatiale des épaisseurs des unités géologiques dans la région d’étude. Ces travaux portant sur le potentiel d’exploitation de l’eau souterraine ont été complétés par des travaux visant à mieux définir et comprendre la problématique naturelle de qualité de l’eau souterraine reliée à la présence d’arsenic et de manganèse. De plus, des modélisations numériques ont permis d’avoir à la fois une meilleure compréhension de l’écoulement de l’eau souterraine dans le système aquifère et de son incidence sur l’âge de l’eau souterraine qui est fortement reliée à la présence d’arsenic et de manganèse dans l’eau souterraine. Enfin, des travaux définissant le risque de contamination de quinze (15) puits municipaux sur la base d’analyses chimiques et isotopiques ont permis d’indiquer l’importance relative de la protection des puits municipaux d’approvisionnement en eau. Comme pour l’ensemble des projets du PACES réalisés entre 2018 et 2022, le PACES Estrie a profité de quatre ateliers de transfert des connaissances du RQES pendant la réalisation du projet. De plus, des travaux spécifiques au PACES Estrie ont été réalisés afin de développer un plan d’actions reliées aux ressources en eau souterraine qui pourra être intégré aux Plans directeurs de l’eau (PDE) des Organismes de bassin versant de la région d’étude (COGESAF et COBARIC). Ces travaux ont permis des échanges importants avec les acteurs de l’eau régionaux. Ces travaux ont été poursuivis afin d’accompagner deux MRC de la région d’étude (Coaticook et Le Val-SaintFrançois) dans l’amorce de l’intégration de l’eau souterraine dans les schémas d’aménagement et de développement (SAD). Les démarches développées en relation avec les PDE et les SAD pourraient servir d’exemples pour des démarches similaires dans d’autres régions couvertes par un projet PACES. Plusieurs recommandations sont formulées à la suite de nos travaux. D’abord, par rapport à la problématique de qualité reliée à l’arsenic et au manganèse, nous recommandons de dédier des ressources à la sensibilisation des propriétaires de puits privés et à leur accompagnement pour faciliter l’analyse de l’eau de leur puits. Ensuite, considérant les problèmes reliés à la quantité d’eau souterraine soulevés par les municipalités, nous recommandons que des ressources soient dédiées pour améliorer la résilience des municipalités par rapport à leur approvisionnement en eau, particulièrement dans une perspective de changement climatique. Aussi, tel que réalisé dans le cadre du PACES Estrie, nous considérons que la définition d’actions dans les PDE des OBV est une étape initiale essentielle à la gouvernance et à la protection des eaux souterraines. Cette démarche participative étant reproductible, nous recommandons que des ressources soient dédiées à la réalisation d’une démarche similaire dans toutes les régions couvertes par un PACES. De même, sur la base de nos travaux avec deux MRC afin d’amorcer la considération de la protection de l’eau souterraine dans leur schéma d’aménagement, nous recommandons que des ressources soient dédiées à l’accompagnement des MRC dans l’adaptation de leur schéma et qu’une Orientation gouvernementale en matière d’aménagement du territoire (OGAT) reliée à la gestion intégrée des ressources en eau (GIRE) fournisse aux aménagistes des outils spécifiques pour la protection des eaux souterraines. Enfin, nous recommandons que l’évaluation géochimique du risque de contamination soit étendue à l’ensemble des puits municipaux du Québec et que des ressources permettent d’accompagner les municipalités dans la gestion et la protection de leur approvisionnement en eau souterraine.
Type de document: | Rapport |
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Informations complémentaires: | Données disponibles sur le dépôt de données de recherche de l'INRS : https://doi.org/10.5683/SP3/GEFGVG |
Mots-clés libres: | Eaux souterraines; Aquifères granulaires; Till de Lennoxville; Recharge des aquifères; Contamination naturelle |
Centre: | Centre Eau Terre Environnement |
Date de dépôt: | 11 avr. 2025 15:25 |
Dernière modification: | 15 avr. 2025 15:14 |
URI: | https://espace.inrs.ca/id/eprint/16387 |
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