Vallette, Salomé (2023). Vieillissement et milieu de vie périurbain : La participation politique municipale des personnes âgées Thèse. Québec, Université du Québec, Institut national de la recherche scientifique, Doctorat en études urbaines, 336 p.
Prévisualisation |
PDF
- Version publiée
Télécharger (2MB) | Prévisualisation |
Résumé
Au Québec, le poids démographique des aîné·e·s est en pleine augmentation et continuera de progresser dans les prochaines années avec l’arrivée des baby-boomers dans la cohorte des personnes âgées de 65 ans et plus. Cette augmentation n’est pas sans conséquence sur la participation de ce groupe d’âge à l’avenir de la société ainsi que sur l’aménagement des milieux urbains. D’abord, il semble que plus un individu vieillit, plus il s’engagera dans son milieu social et plus il sera susceptible de voter (Jennings 1979; Elder 1998; Gherghel et Saint-Jacques 2013). Les données électorales aux derniers scrutins fédéral et provincial au Québec établissent en effet que le taux de participation des 65 ans et plus est supérieur à celui des autres catégories d’âge. Ces données ne prennent toutefois pas en compte l’échelle municipale, niveau politique où la participation électorale est traditionnellement plus basse : un·e électeur·rice sur deux se rend habituellement aux urnes. Néanmoins, pour certain·e·s, la scène politique municipale pourrait être modifiée par l’avènement du « pouvoir gris », présumant que les citoyen·ne·s aîné·e·s posséderont l’avantage du nombre, en prendront conscience et feront valoir leurs intérêts en exerçant massivement leur droit de vote. De plus, les milieux urbains ne sont pas particulièrement bien adaptés au vieillissement de la population. Pourtant, si le programme « Municipalités amies des aînés » (MADA) vise à favoriser le vieillissement actif, soit la participation sociale et politique des personnes âgées en milieux urbains, il s’arrime difficilement au contexte auquel il s’adresse. En effet, le programme MADA, tel que mis en pratique au Québec, a une position « top-down » ne laissant pas assez le/la citoyen·ne en charge des prises de décisions. Le programme ne semble donc pas s’attarder aux spécificités du milieu qu’il souhaite modifier. D’ailleurs, peu d’études se sont penchées sur le cas spécifique des milieux urbains en périphérie d’une grande ville. Ces constats invitent donc à se poser la question : Au sein des municipalités situées en périphérie d’une grande ville, comment l'expérience qu’ont les aîné·e·s de leur ville affecte-t-elle leur participation à la vie politique municipale ?
Les écrits sur le vieillissement tendent à créer une injonction à la participation (Castonguay et al. 2018) et au vieillissement actif chez les aîné·e·s : l’individu âgé doit correspondre à l’image de l’aîné·e idéal·e, celui ou celle qui contribue à la société et qui ne devient pas un poids économique pour cette dernière (Martinson et Halpern 2011; Joy 2018; Benoit et Perron 2018; Benoit et Perron 2020). Les gérontologues critiques s’opposent aux théories dominantes du vieillissement, tel que le vieillissement actif, issues des sciences biomédicales ainsi que de la sociologie fonctionnaliste (A. Walker 2006). En ce sens, la gérontologie critique tend à contester les approches connues du vieillissement et cherche à développer des pistes innovantes pour mieux le comprendre (Baars et al. 2006; Moulaert et Biggs 2013). Parallèlement à cela, les travaux en sociologie politique municipale, souvent quantitatifs, dressent un portrait encore lacunaire de l'électeur·rice à l’échelle municipale. Un pan de la sociologie politique, mise en relation avec l’approche compréhensive, permet aux chercheur·e·s d’interpréter, d’expliquer et de reconstruire le sens que les individus donnent à leurs gestes (J.-C. Kaufmann 2004), notamment politiques. Ainsi, en alliant les recherches de la gérontologie critique et de la sociologie politique, cette thèse vise à saisir la façon dont l’expérience qu’ont les aîné·e·s de leur ville influence leur participation à la vie politique municipale, tout en visant à enrichir les perspectives les plus connues du vieillissement et de l’acte politique.
À partir de la réalisation de quatre groupes de discussion et de 39 entretiens semi-dirigés avec des personnes âgées en moyenne de 72,3 ans et vivant dans trois villes de banlieue de Montréal – Repentigny, Saint-Jean-sur-Richelieu et Saint-Eustache – notre thèse met en évidence trois résultats principaux. D’une part, le vieillissement actif, tel que vanté par l’OMS (2002), est une vision pleinement intégrée chez nos participant·e·s, qu’ils et elles ne remettent pas en cause. Bien que les participant·e·s de la recherche semblent avoir intériorisé l’âgisme transmis par la société à travers les représentations du vieillissement, la participation politique leur permet d’outrepasser l’idée d’une retraite sans activité et leur semble un moyen de contribuer à la société. Enfin, le capital social des aîné·e·s est une ressource sur laquelle s’appuie leur participation politique, comme leur engagement bénévole, leur participation à des manifestations, à des marches ou à la signature de pétitions. D’autre part, du côté électoral, les facteurs essentiels à la participation sont l’acquisition de connaissances et d’informations concernant l’échelle municipale ainsi que l’expérience du système politique de cette même échelle de gouvernement. De ce fait, il semble que l’utilisation des services municipaux n’influence pas directement la participation politique, électorale ou non, des personnes âgées. Par contre, notre recherche montre, dans le cadre de notre échantillon, que le sentiment d’appartenance à la municipalité et la proximité avec les élu·e·s sont des facteurs qui détiennent une importance certaine dans l’engagement du/de la citoyen·ne aîné·e au sein d’associations ou encore dans la participation aux assemblées du conseil municipal. De tels résultats invitent ainsi à réfléchir sur l’impact des programmes publics dédiés au vieillissement de la population, comme le programme MADA, sur l’aménagement des municipalités ainsi que sur l’importance de la circulation d’informations politiques à l’échelle municipale.
In Quebec, the demographic weight of seniors is increasing and will continue to do so in the coming years with the arrival of the baby boomers in the cohort of people aged 65 and over. This increase is not without consequences for the participation of this age group in the future of society and for the development of urban environments. First, it appears that the older an individual gets, the more engaged they will be in their social settings and the more likely they will be to vote (Jennings 1979; Elder 1998; Gherghel et Saint-Jacques 2013). Electoral data from the last federal and provincial elections in Quebec show that the participation rate of people aged 65 and over is higher than in other age categories. However, these data do not consider the municipal level, where voter turnout is traditionally lower : one in two voters usually goes to the polls. Nonetheless, some believe that the municipal political scene could be changed by the advent of “grey power”, assuming that older citizens will have a numerical advantage, become aware of it and assert their interests by exercising their right to vote in large numbers. Second, urban areas are not particularly well suited to an aging population. However, although the “Age-Friendly City” (AFC) program aims to promote active aging, such as the social and political participation of seniors in urban areas, it does not fit in well with the context for which it is intended. In fact, the AFC program, as practiced in Quebec society, has a “top-down” position that does not leave the citizen in charge of the decision making. As such, the program does not seem to focus on the specific characteristics of the environment it seeks to modify. Moreover, few studies have looked at the specific case of urban environments on the outskirts of a large city. These findings therefore invite us to ask ourselves : In the municipalities on the suburbs of a large city, how does seniors' experience of their city affect their participation in the political life of the city ?
The literature on aging tends to create an injunction for older adults to participate (Castonguay et al. 2018) and age actively : the older individual must fit the image of the ideal senior, one who contributes to society and does not become an economic burden on it (Martinson et Halpern 2011; Joy 2018; Benoit et Perron 2018; Benoit et Perron 2020). Critical gerontologists oppose the dominant theories of aging, such as active aginig, from the biomedical sciences as well as functionalist sociology (A. Walker 2006). In this sense, critical gerontology tends to challenge known approaches to aging and seeks to develop innovative avenues to better understand it (Baars et al. 2006; Moulaert et Biggs 2013). At the same time, work in municipal political sociology, often quantitative, paints a still incomplete picture of the voter at the municipal level. One aspect of political sociology, linked to the comprehensive approach, allows researchers to interpret, explain and reconstruct the meaning that individuals give to their actions (J.-C. Kaufmann 2004), particularly political actions. Thus, by combining research from critical gerontology and political sociology, this thesis aims to understand how seniors' experience of their city influences their participation in municipal politics, while at the same time aiming to enrich the most well-known perspectives on aging and the political act.
Based on four focus groups and 39 semi-structured interviews with people aged 72.3 years on average and living in three suburban cities of Montreal – Repentigny, Saint-Jean-sur-Richelieu and Saint-Eustache – our thesis highlights three main results. On the one hand, active aging, as promoted by the WHO (OMS 2002), is a fully integrated vision among our participants, which they do not question. Even though the participants in the research seem to have internalized the ageism transmitted by society through representations of aging, political participation allows them to go beyond the idea of a retirement without activity and remains a way to contribute to society. Finally, the social capital of seniors is a resource on which their political participation is based, such as their volunteer involvement, their participation in manifestations, walks or petition signing. On the other hand, on the electoral side, the key factors for participation are the acquisition of knowledge and information about the municipal level and experience with the political system at that level of government. Thus, it appears that the use of municipal services does not directly influence political participation, electoral or otherwise, among seniors. On the other hand, our research shows, within the framework of our sample, that the feeling of belonging to the municipality and the proximity to elected officials are factors that are important in the involvement of senior citizens in associations or in participation in municipal council meetings. Such results invite reflection on the impact of public programs dedicated to the aging population, such as the AFC program, on municipal development and on the importance of political information transfer at the municipal level.
Type de document: | Thèse Thèse |
---|---|
Directeur de mémoire/thèse: | Breux, Sandra |
Co-directeurs de mémoire/thèse: | Joy, Meghan |
Mots-clés libres: | Participation politique; participation électorale; échelle municipale; services municipaux; personnes âgées; représentation du vieillissement; banlieues; Political participation; electoral participation; municipal level; municipal services; older people; aging representation; suburbs |
Centre: | Centre Urbanisation Culture Société |
Date de dépôt: | 15 févr. 2024 14:04 |
Dernière modification: | 15 févr. 2024 14:04 |
URI: | https://espace.inrs.ca/id/eprint/14200 |
Gestion Actions (Identification requise)
Modifier la notice |