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Potentialisation des effets de composés phénoliques combinés de l’huile d’olive : étude des transformations redox. Application dans les maladies neurodégénératives

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Lambert de Malezieu, Morgane (2019). Potentialisation des effets de composés phénoliques combinés de l’huile d’olive : étude des transformations redox. Application dans les maladies neurodégénératives Thèse. Québec, Université du Québec, Institut national de la recherche scientifique, Doctorat en biologie et en chimie analytique, 275 p.

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Résumé


Les maladies d’Alzheimer et de Parkinson (MA et MP) sont des maladies du système nerveux central caractérisées par une mort progressive des neurones et une diminution des fonctions cognitives et locomotrices. Les projections démographiques annoncent que 28 % de la population aura plus de 65 ans d’ici 2050. Ce constat implique le risque d’augmentation de la prévalence de ces maladies liées à l’âge. L’OMS estime que 25 à 30 % des personnes âgées de plus de 85 ans sont atteintes de troubles cognitifs. Ce chiffre atteindra 82 millions de cas déclarés d’ici 2030. De plus, malgré plusieurs décennies de recherches, les traitements curatifs font aujourd’hui toujours défaut.

Contrairement aux formes génétiques dont les mutations sont connues, les formes sporadiques qui représentent 95 % des cas la MA et de la MP sont d’origines inconnues, mais leur survenue est vraisemblablement liée à plusieurs facteurs. Au cours du vieillissement, l’accumulation des dommages oxydatifs au niveau cérébral augmente, ce qui en fait le premier facteur de risque. En effet, bien que plusieurs hypothèses ont été émises, il semble que le stress oxydatif soit le facteur commun à tous les dysfonctionnements physiopathologiques observés dans la MA et dans la MP. C’est pourquoi plusieurs stratégies basées sur les antioxydants d’origine alimentaire ont été testées, mais sans réussite majeure. Il est aujourd’hui admis que l’apport alimentaire peut agir soit en tant que facteur de risque, notamment dans les diètes de types Western, ou au contraire en tant que facteurs préventifs. C’est le cas de la diète méditerranéenne (MeDi). L’adhésion à ce régime atténuerait la survenue des démences liées à la neurodégénération telles qu’observées dans la MA ou la MP. À l’échelle cellulaire et moléculaire, les origines de ces bénéfices ne sont pas clairement identifiées. Plusieurs éléments composant cette diète, tels que les apports importants de végétaux, d’acide gras de type oméga 3 et la consommation modérée de vin rouge sont suspectés de jouer un rôle dans les effets bénéfiques observés. Mais la consommation d’huile d’olive a majoritairement retenu l’attention, notamment grâce aux polyphénols qu’elle contient. Plus particulièrement, l’oleuropéine, un sécoiridoïde, le tyrosol, un monophénol ou encore l’acide para-coumarique, un acide phénolique, seraient susceptibles de contrecarrer la mort des neurones induite par un stress oxydatif à travers leurs propriétés antioxydantes intrinsèques, mais aussi à travers leurs capacités à moduler les systèmes de défenses antioxydantes endogènes.

À ce jour, ces composés ont avant tout été étudiés de manière isolée afin de caractériser leur réactivité vis-à-vis des radicaux et leurs effets biologiques. Or, les concentrations en composés phénoliques utilisées pour observer une neuroprotection (entre 2,7 μg/ml pour l’oleuropéine et 13,8 μg/ml pour le tyrosol) sont éloignées des concentrations en composés phénoliques retrouvées dans le plasma (0.5 - 2,8 ng / ml de plasma). Jusqu’à présent, aucune étude n’a observé les effets de ces composés combinés selon une formulation spécifique, alors que l’oleuropéine et le tyrosol, des composés phénoliques parmi les plus abondants dans l’huile d’olive et que l’acide p-coumarique, un dérivé d’acide hydroxycinnamique, sont connus pour leurs activités antioxydantes et leur biodisponibilité.

Dans un contexte cellulaire, les composés phénoliques agissent à travers leurs capacités de donneurs d’atomes d’hydrogène et / ou d’électrons, mais aussi en impactant la régulation des défenses antioxydantes endogènes. En outre, en conditions oxydatives, telles qu’observées dans les neurones en cas de stress oxydatif, ou encore lors du tractus gastro-intestinal, les composés phénoliques peuvent subir des modifications structurelles et mener à des produits issus de leur oxydation. L’impact cellulaire de ces derniers est encore peu étudié, car le devenir de ces composés dans le contexte d’un métabolisme oxydatif reste obscur. C’est pourquoi l’étude des métabolites issus de l’oxydation des composés phénoliques est d’une réelle importance afin d’approfondir les connaissances sur leurs mécanismes d’actions au niveau biologique.

Compte tenu des connaissances actuelles sur les composés phénoliques de l’huile d’olive, de leurs mécanismes d’action et d’oxydation, associées aux caractéristiques cellulaires de la MA et de la MP, nous avons émis l’hypothèse que la combinaison de l’oleuropéine, du tyrosol et de l’acide p-coumarique potentialise leurs effets neuroprotecteurs à travers leurs capacités de donneurs d’électrons et en lien avec la production des métabolites associés. La particularité de ce travail réalisé en cotutelle de thèse est de proposer une approche pluridisciplinaire intégrant des composantes biologiques, à travers l’utilisation d’outils de biologie cellulaire et moléculaire, et des questions relevant de la physicochimie, en s’appuyant sur des outils électrochimiques qui permettent l’étude des transferts d’électrons en solution simplifiée.

En premier lieu, nous avons démontré que l’association de ces trois composés phénoliques (Mix 1) permettait de potentialiser leurs effets neuroprotecteurs dans un système de cellules neuronales traitées avec le peroxyde d’hydrogène (H2O2), un inducteur de stress oxydatif. Nous avons observé que dans le Mix 1 la réactivité des composés phénoliques était augmentée vis-à-vis du H2O2 et du radical superoxyde (O2-) en comparaison de leur activité individuelle. De plus, cette formulation nous a permis de diminuer les concentrations efficaces des composés phénoliques à 0.1 et 1 μM, contrairement aux concentrations nécessaires (5 à 10 fois plus élevées) pour observer une neuroprotection lorsque ces composés sont utilisés individuellement. La génération d’espèces réactives de l’oxygène (EROS) intracellulaires a pu être diminuée dès une heure de traitement, tous comme les niveaux de protéines oxydées. Cette neuroprotection semble médiée par une régulation du facteur rédox Nrf2 et par l’inhibition du facteur Nf-κB, facteur impliqué dans la génération des processus inflammatoires.

Dans un second temps, nous avons choisi de comparer le comportement en conditions oxydatives et acellulaires de l’oleuropéine, du tyrosol et de l’acide p-coumarique individuellement, mais aussi lorsqu’ils sont associés en proportion équimolaire. Pour cela, nous avons utilisé les outils électrochimiques, où l’électrode joue le rôle d’oxydant initial, couplés à un spectrophotomètre UV-Vis, pour nous permettre de suivre en temps réel les modifications d’absorption UV-Vis. Les solutions oxydées ont été analysées par LC-MS2 afin d’observer les composés stables générés lors de l’oxydation. Nous avons observé que l’oxydation du Mix 1 induisait une diminution du taux d’oxydation relatif de chacun des composés phénoliques présents dans le mélange. . Ainsi, les dimères des deux monophénols (acide p-coumarique et tyrosol) observés lors de leur oxydation individuelle n’étaient plus visibles. Par ailleurs, nous avons détecté trois néocomposés spécifiques de l’oxydation du Mix 1, de m/z 299 et 675, probablement issus de couplages des formes natives et oxydées de composés phénoliques mis en jeu. Enfin, nous avons mis en évidence un effet neuroprotecteur des composés issus de l’oxydation du Mix 1 dès 1 et 5 nM, ce qui soutient l’hypothèse que les produits issus de l’oxydation des composés phénoliques peuvent participer aux effets biologiques des composés natifs.

Notre troisième objectif était d’évaluer si les composés issus de l’oxydation des composés phénoliques pouvaient être générés dans un système biologique. Nous avons donc utilisé notre modèle de cellules neuronales, soumises à un stress oxydatif grâce au H2O2, pour générer des conditions oxydatives à travers l’augmentation intracellulaire de la production de ROS telle qu’observée au début de ce travail. Après extraction et concentration des composés phénoliques contenus dans les extraits intra et extra- cellulaires, nous avons analysé ces échantillons en LC-HRMS. Nous avons observé que ces composés phénoliques étaient toujours présents sous leurs formes natives dans les cellules neuronales après plusieurs heures de traitement, mais nous n’avons pas été en mesure de démontrer l’existence des néocomposés issus de l’oxydation des composés phénoliques tels qu’observés dans la seconde partie de ce travail ou dans la littérature.

Ce projet multidisciplinaire, mêlant les outils biologiques et les outils de chimie analytique, a permis d’observer les effets des composés phénoliques sous plusieurs angles. En effet, à l’heure actuelle, l’utilisation d’outils spécifiques, autrefois réservés à une seule discipline, permet d’aborder l’étude mécanistique des effets neuroprotecteurs des composés phénoliques d’un point de vue biologique et d’un point de vue structural. De plus, ce travail démontre l’intérêt d’une formulation spécifique de composés phénoliques afin d’intervenir plus efficacement dans la lutte contre la neurodégénérescence à l’origine du déclin cognitif caractéristique de la MA et de la MP. De plus, au-delà de la difficulté de séparer l’activité biologique due aux composés phénoliques natifs de celle due aux métabolites issus de leur oxydation, notre travail confirme qu’un effet neuroprotecteur de nouveaux composés, obtenus après oxydation, est possible et ouvre la voie à de nouvelles approches pour le développement de formulation efficace pour limiter le stress oxydatif au niveau cérébral.

Alzheimer and Parkinson diseases (AD and PD) are neurodegenerative disorders characterized by progressive neuronal death and associated cognitive function decline. Demographic projection announces that 28 % of the worldwide population will have more than 65 years in 2050, which increases the risk of age-related diseases like AD or PD. According to the WHO, 25 to 30 % of people older than 85 years will develop a cognitive disorder, reaching 85 billion people by 2030. Despite intensive researches have been done since decades, curative treatments are still missing.

Familial forms with known mutations represent less than 10 % of AD and PD cases while the sporadic forms, with unknown causes, are multifactorial. During aging, cerebral oxidative damages increases leading to neuronal death. Indeed, among different hypothesis, it is well recognized that oxidative burden is one of the major common and early factors in AD or PD and represents one of the main targets to counteract. Several antioxidant-based strategies were tested with limited success.

On the other hand, it is widely accepted that Western diet increases the risk of AD and PD while higher adhesion to the Mediterranean diet type (MeDI) decreases the onset of AD or PD. Although the cellular and molecular mechanisms underlying the beneficial effects of the MeDi diet are not well understood, it could prevent or slow down cognitive decline through neuronal preservation. Among vegetables, omega 3 fatty acids and moderate red wine consumption, olive oil intake received strong interests, notably for its high and specific phenolic content. Indeed, some phenolic compounds from olive oil have direct antioxidant properties as electrons or H-atom donors, which are largely suspected of being responsible for their biological effects, but also of some indirect properties as modulators of endogenous antioxidant defences regulators. The secoiridoid oleuropein and the monophenols tyrosol and p-coumaric acid have shown abilities to counteract oxidative injuries and associated neuronal death in several cellular and in vivo models. However, the basic mechanisms of action of phenolic compounds remain to be elucidated. In fact, phenolic compounds are highly sensitive to oxidative modifications and could be transformed into new compounds in an oxidative context. Cellular impacts of these products are rarely considered, probably because their intracellular detection is a great challenge and remain an important field to explore. Moreover, oleuropein, tyrosol and p-coumaric were individually evaluated in order to characterize their own reactivity towards ROS and their biological properties. However, the concentration ranges used to observe neuroprotection in cellular models (5 – 100 μM) were far from the possibly recovered phenolic concentration in plasma (0.5 – 2.8 ng /ml of plasma). To observe an effect with concentration range closer to the physiological ones, several antioxidant combinations could be proposed. However, despite the biological promises of phenolic compounds from olive oil, studies which combined some of the most abundant phenolic compounds in the neuroprotection field are still missing.

Taking into account the actual knowledge about these phenolic compounds and their potential impact on neurodegenerative disorders like AD or PD, we have hypothesized that the combination of oleuropein, tyrosol, and p-coumaric acid in equimolar proportion (Mix 1) could potentiated their ROS scavenging and neuroprotective properties to counteract oxidative stress-induced neuronal death. These effects could be in part due to their oxidized metabolites.

This work was realized in cotutelle with a pluridisciplinary approach. Biological effects were evaluated using neuronal cell model, while oxidative behaviours of the Mix 1 were studied using electrochemical tools, allowing electron transfer studies in simplified model solutions.

First, using electrochemical methods, we have observed that the reactivity of the Mix 1 towards two ROS, the hydrogen peroxide and the superoxide anion radical, was higher than those of individual compounds. On neuronal SK-N-SH cells challenged with oxidative stress inducer H2O2 or Paraquat, low concentrations (0.1 μM and 1 μM) of the Mix1 were able to decrease neuronal death. These neuroprotective effects were supported by a decrease in intracellular ROS, in the protein carbonyl levels and in the prevention of the activation of the redox sensitive factors Nrf2 and NF-κB. These intracellular effects were supported by the demonstration of the internalization of these ArOH-EVOO into neuronal cells, highlighted by LC-HRMS.

Then, we were interested to go deeper into their oxidative properties when mixed in equimolar proportion. Oleuropein, tyrosol and p-coumaric acid were submitted to spectroelectrochemical oxidation study, either individually or in equimolar mixtures. The comparison of LC-ESI-MS2 profiles of each ArOH-EVOO, in native forms or after oxidation, highlighted the presence of specific oxidized products found in Mix 1. We hypothesized that they derived from the heterodimerization between Ole, Tyr or p-Cou, which have reacted either in native or in oxidized form. We observed a regeneration of oleuropein when oxidized in the Mix 1, probably through coupled redox reactions between its oxidized quinone form and other compounds. This study also showed a significant neuroprotection of oxidized Ole and oxidized Mix against H2O2 toxicity, after 24 h of treatment with very low concentrations (1 and 5 nM), suggesting the putative relevant role of oxidized Ole products to protect or delay neuronal death.

Our third objective was to evaluate if these oxidized metabolites from the Mix 1 or from individual compounds could be produced in our cellular model challenging with oxidative inducer. Even under oxidative conditions, we recovered these compounds in cellular extracts under their native forms after few hours of treatments, attesting their accumulation in neuronal cells. We observed metabolites from oleuropein hydrolysis and tyrosol-sulfate, attesting some intracellular metabolism, but, we were unable so far to detect any metabolites from oxidized phenolic compounds.

Taking together, our results demonstrated the relevance of a strategic phenolic compounds formulation to fight against oxidative injuries in neurodegenerative diseases like AD and PD. Moreover, we pointed out the relevance to study the phenolic compounds from a chemical and a biological point of view, which should always be as cellular redox reactions are between biological and chemical fields. Lastly, we confirmed the significance to take into account the oxidized metabolites from phenolic compounds to deeper understand their biological properties.

Type de document: Thèse Thèse
Directeur de mémoire/thèse: Ramassamy, Charleset Abasq, Marie-Laurence (Université de Rennes I)
Co-directeurs de mémoire/thèse: Tomasi, Sophie (Université de Rennes I)
Mots-clés libres: -
Centre: Centre INRS-Institut Armand Frappier
Date de dépôt: 09 juill. 2024 15:31
Dernière modification: 09 juill. 2024 15:31
URI: https://espace.inrs.ca/id/eprint/15816

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